Nous y avons cru ! Une petite heure après avoir levé l’ancre de devant Onari, un vent sympathique de 10 à 15 nœuds se lève, nous poussant de ¾ arrière à travers le lagon. Serions-nous enfin en train de profiter de ces alizés tant attendus pendant les dernières navigations ? Le vent se maintient pendant la soirée et la nuit, et nous nous prenons à rêver de conserver notre vitesse de 6 nœuds de moyenne jusqu’à Guam, nous permettant peut-être même d’arriver avec 2 jours d’avance ! Qu’il est bon en tout cas de sentir Constance glisser sur l’eau sans le bruit incessant du moteur. On (re)trouve la magie de ces quarts de nuit illuminés par la pleine lune, seul(e) dans le cockpit à regarder le bateau se faufiler dans la petite houle.
Bien sûr, c’était trop beau ! Le vent tombe en fin de matinée le lendemain, et nos bons vieux moteurs Yanmar reprennent du service. En fait, on ne peut vraiment utiliser que le moteur bâbord, le filtre à gasoil tribord connait le même sort que son homologue à Honiara, et nous n’avons pas pu trouver de rechange à Pohnpei. Par contre, même s’il tourne 24h/24 sans rechigner, le moteur bâbord nous remplit régulièrement la cale d’huile, sans doute trop fluidifiée par la chaleur. C’est un plaisir d’éponger le liquide noir et visqueux, de faire l’appoint d’huile et de recommencer le lendemain !
Les journées s’égrainent donc entre voile et moteur, mais on sent quand même qu’on rentre dans la zone des vents plus réguliers. Ils nous offriront une autre nuit avec seulement le bruit des vagues et du vent dans les voiles le troisième jour.
Malgré les passages plus lents au moteur, nous avons été un peu trop pessimistes quant à notre moyenne. Nous visions une arrivée lundi matin, mais c’est dimanche qui semble rapidement le plus probable. Il faut dire qu’après avoir plutôt lutté contre le contre-courant équatorial pour remonter l’archipel de Micronésie, nous sommes maintenant portés par le début du « Kouroshio », équivalent Pacifique du « gulf stream », qui remonte le long des côtes japonaises vers les Aléoutiennes et l’Alaska. Le problème, c’est que déranger les autorités douanières, phytosanitaires et de l’immigration un dimanche, ça peut coûter cher. S’il le faut, nous passerons la fin du dimanche et la nuit en mer devant le port, mais c’est un peu rageant de devoir attendre à quelques kilomètres du mouillage, d’autant que depuis notre départ nous avons toujours tendance à devoir ralentir un peu sur la fin.
Finalement, le vent nous pousse bien pendant les dernières 24 h et nous arrivons effectivement le dimanche. Les autorités portuaires de Guam, contactées par radio VHF quelques heures avant de passer la jetée, nous autorisent à prendre un corps-mort (bouée accrochée à une grosse dalle en béton, ce qui évite d’avoir à jeter l’ancre) devant le Marianas Yacht Club. Nous avons juste interdiction de débarquer à terre avant le lendemain matin, quand nous rencontrerons les douanes et l’immigration. Pas de problème pour nous, trop heureux d’éviter une autre nuit de quart, rangement et repos occuperons bien assez notre fin de journée !